Au Canada, la valeur des prêts hypothécaires garantis par la Société canadienne d’hypothèques et de logement totalisaient à la fin de 1997 une somme de 164 milliards de dollars. Au cours de l’année 1997, 486,352 habitations ont bénéficié d’un prêt assuré par la SCHL. De ce nombre, 132,000 familles ont acheté une première maison moyennant un emprunt égal à 95% de la valeur de la propriété. Pour les institutions financières, cela représente une manne extraordinaire puisque ces prêts leur rapportent annuellement près de 10 milliards de dollars de revenus d’intérêts.

Or, saviez-vous que la SCHL n’évalue pas les propriétés avant d’assurer leurs prêts?

Selon, Denis Pagé, directeur de la SCHL à Montréal, seulement 5% des propriétés assurées par la SCHL ont été évaluées par les ressources de cet organisme. En réalité, la SCHL ne fait pratiquement pas d’évaluation pour les résidences privées comme les unifamiliales.

Avant, la SCHL étudiait une demande de prêt en profondeur avant de l’assurer. Au fil des ans, elle a délaissé cette approche et aujourd’hui, l’organisme fédéral fait plutôt une gestion de risque. Somme toute, une demande d’assurance est acceptée si l’emprunteur se qualifie, et si le prix payé tombe dans un écart acceptable pour la SCHL. Il faut savoir que la SCHL a accumulé une vaste base de données sur le marché immobilier et elle s’en sert encore aujourd’hui pour valider ou non un prêt.

Par exemple, la SCHL sait qu’une propriété située dans un tel quartier devrait valoir entre 90,000$ et 130,000$. Si une transaction se situe dans cet écart, le niveau de risque est faible et aucune évaluation n’est effectuée. Par contre, si le prix se trouve à l’extérieur de ces paramètres, la SCHL fait faire une évaluation.

Pour résumé cette pratique, la SCHL assure maintenant son porte-feuille immobilier grâce à une gestion de risque basé en grande partie sur les capacités de remboursement de l’emprunteur. Toujours selon Denis Pagé de la SCHL, « L’expérience nous a démontré que le risque était surtout lié à l’emprunteur » et non plus à la propriété assurée, à son état général ou même à son environnement immédiat.

La position de l’Ordre des évaluateur agréés du Québec est claire à cet égard: « La SCHL doit dire publiquement qu’elle n’effectue pas d’évaluation avant d’assurer un prêt ».

L’Ordre des évaluateurs agréés du Québec juge que la SCHL joue avec les mots à ce niveau. En effet, deux options sont offertes aux prêteurs par l’organisme fédéral, soit le service de base (étude comparative) à 75$ ou le service complet à 235$. Ainsi, quand la SCHL parle d’un service complet, cela sous-entend qu’elle fait une évaluation des propriétés qu’elle assure. Les frais d’évaluation autorisés par la SCHL sont de 160$ par dossier (ce qui correspond à la différence entre le service complet et l’étude comparative). Bref, la SCHL charge des frais d’évaluation mais n’en fait pas…

L’Ordre des évaluateurs agréés du Québec a poursuivi au cours des derniers mois ses représentations auprès des autorités de la SCHL, mais sans grand succès. Après avoir, au terme de plusieurs démarches, conclu une entente avec l’Ordre à l’effet d’informer tous les prêteurs qu’elle ne réalisait pas systématiquement de rapports d’évaluation pour les propriétés qu’elle assure, la SCHL a fait marche arrière en décidant de ne diffuser cette information qu’en petits groupes restreints de prêteurs. Les négociations avec la SCHL se sont avérées tellement décevante pour la direction de l’Ordre que seule une campagne publique d’information pourra informer adéquatement le public et les prêteurs sur le risque encourus par les pratiques de la SCHL.

Sources:
Journal des Affaires du 22 mars 1997
La Presse du 23 mai 1998
Rapport annuel 1997-98 de l’Ordre des évaluateurs agréés du Québec